Observations de l’IPFPC concernant le projet de loi 28 du Manitoba intitulé Loi sur la viabilité des services publics
Table des matières
II. La Loi sur la viabilité des services publics et la Charte
III. Le budget 2017 et la Loi sur la viabilité des services publics
I. Introduction
L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) est le plus grand syndicat de professionnels du Canada. Les membres de l’Institut employés au gouvernement du Manitoba travaillent dans le domaine de la santé et de l’ingénierie. Nos membres sont directement touchés par le projet de loi 28 – Loi sur la viabilité des services publics. Nous sommes d’avis que cette loi constitue une attaque injustifiée contre les services publics et les professionnels qui les assurent.
II. La Loi sur la viabilité des services publics et la Charte
Les gouvernements provinciaux et fédéral du Canada ont une longue et controversée feuille de route en matière d’imposition de restrictions salariales à leurs employés et de répression de leurs droits de négociation collective. La Loi sur la viabilité des services publics proposée (projet de loi 28) est un exemple particulièrement flagrant de ces lois répressives. Elle va à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et des obligations internationales du Canada, sans aucune justification raisonnable.
Les lois relatives à la liberté d’association et leur application aux droits de négociation collective ont grandement évolué ces 10 dernières années. La Cour suprême du Canada a expliqué clairement en 2007 que le processus de négociation collective est protégé par la Charte. Le projet de loi 28 entrave considérablement le processus de négociation collective véritable et viole donc la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d de la Charte.
L’IPFPC exhorte le gouvernement du Manitoba à revoir minutieusement cette proposition à la lumière des principes constitutionnels établis par la Cour suprême du Canada et appliqués par d’autres tribunaux.
III. Le budget 2017 et la Loi sur la viabilité des services publics
Dans le budget 2017, le gouvernement du Manitoba a réduit les dépenses, les services et les impôts. Cette approche ne peut permettre aux gouvernements d’assurer la viabilité, l’efficacité et la haute qualité des services publics. La réduction des remboursements d’impôt liés aux frais de scolarité et l’imposition de plafonds salariaux pour le personnel professionnel de la fonction publique vont nuire à l’économie à long terme et décourager les professionnels hautement qualifiés de rester dans la province et de continuer à travailler au gouvernement provincial.
Le gouvernement avait d’autres options que celle de geler les salaires avec le projet de loi 28. Comme l’a remarqué un commentateur :
« Les prévisions sur trois ans ne mentionnent pas de sources de revenus potentielles. Nous savons que la tarification du carbone est imminente et enrichira le trésor public de centaines de millions de dollars. De plus, on estime que la légalisation de la marihuana rapportera 25 M$ par année à la province, à laquelle le gouvernement fédéral doit encore 500 M$ en aide aux sinistrés1.
La comptabilisation de ces sources de revenus aurait pu permettre au gouvernement de montrer une image beaucoup plus reluisante de ses comptes publics. Mais il a choisi de ne pas en parler. Au lieu de planifier l’avenir, le gouvernement a préféré se servir du budget pour faire passer ses objectifs d’austérité.
IV. Droit international et décisions de l’OIT sur les lois fédérales précédentes visant à restreindre les salaires
À titre de membre de l’Organisation internationale du travail (OIT), le Canada s’est engagé à respecter et à promouvoir les principes fondamentaux des conventions de l’OIT. La Cour suprême du Canada a souligné l’importance juridique pour le Canada de respecter les conventions internationales du travail.2 Les principes fondamentaux inscrits dans les conventions de l’OIT sont conformes à la protection de la négociation collective prévue par la Charte et la soutiennent.
En 1998, l’OIT a adopté la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Cette dernière renferme les principes de base de l’Organisation internationale du travail et engage tous les membres de l’OIT, y compris le Canada, à protéger et à promouvoir ces principes. La Déclaration stipule que tous les membres de l’OIT, qu’ils aient ou non ratifié ses conventions, sont tenus de reconnaître dans les faits le droit de participer à des négociations collectives.
Les conventions 87 (Liberté syndicale) et 98 (Droit d’organisation et de négociation collective) font partie intégrante des principes de base de l’OIT et doivent être respectées par les États membres. La Convention 151 de l’OIT protège le droit des employés du secteur public à négocier collectivement. L’article 8 stipule :
«Le règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions d'emploi sera recherché, d'une manière appropriée aux conditions nationales, par voie de négociation entre les parties ou par une procédure donnant des garanties d'indépendance et d'impartialité, telle que la médiation, la conciliation ou l'arbitrage, instituée de telle sorte qu'elle inspire la confiance des parties intéressées ».
Le projet de loi 28 ne respecte pas cette norme; c’est une approche unilatérale à un problème créé par le gouvernement et son budget 2017. Plusieurs lois précédentes visant la restriction des salaires ont fait l’objet de plaintes à l’OIT. L’OIT a toujours conclu que le Canada violait les conventions internationales du travail. Dans la cause 1800, l’OIT déclarait :
« Le comité regrette profondément que le gouvernement n'ait pas encore privilégié la négociation collective pour fixer les conditions salariales de ces employés dans le cadre de laquelle les objectifs devant être reconnus comme étant dans l'intérêt général du pays auraient pu être largement discutés et compris par toutes les parties mais plutôt qu'il ait opté pour une mesure qui prive les travailleurs d'un droit fondamental et d'un moyen de défendre et promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux ».
Il est évident que les lois qui restreignent les salaires, telles que le projet de loi 28, contreviennent à certains des principes les plus fondamentaux que le Canada s’est engagé à respecter devant la communauté internationale. Le gouvernement du Manitoba a encore la possibilité de retirer ce projet de loi et de poursuivre des objectifs respectueux des engagements internationaux du Canada.
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1Lynne Fernandez, Budget 2017. Publié le 28 avril 2017. Consultable en ligne au http://policyfix.ca/2017/04/28/budget-2017 (en anglais).
2Voir en particulier les causes 1859, 1800, 1758 et 1616 de l’OIT.