L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Cinq signaux d’alarme à surveiller dans le budget 2025

Le gouvernement fédéral devrait présenter son prochain budget le 4 novembre, dans le contexte d’un examen complet des dépenses proposant les compressions les plus importantes dans la fonction publique fédérale depuis des générations.

Ces réductions, qui devraient être annoncées ou renforcées dans ce budget, s’ajoutent aux gels d’embauche, aux remplacements retardés et aux ralentissements de programmes déjà en cours dans tous les ministères. Sous le couvert de « discipline » et d’« efficacité », ces compressions risquent de vider de leur substance les systèmes dont dépendent les Canadien·nes, qu’il s’agisse de la salubrité des aliments, des interventions d’urgence ou de la sécurité numérique.

Voici cinq signaux d’alarme à surveiller dans le budget 2025 et les raisons pour lesquelles ils sont importants pour l’avenir du Canada.

1. Un langage d’« efficacité » qui cache de vraies compressions budgétaires

Lorsque les gouvernements parlent de « révision des programmes », d’« attrition » ou de « rationalisation », ils veulent que les Canadien·nes imaginent une réduction de la bureaucratie plutôt qu’une diminution des inspections alimentaires, de la rapidité de réponse aux incendies de forêt ou de la surveillance des maladies.

En réalité, lorsque les réductions budgétaires sont trop importantes, ce n’est pas l’inefficacité qui est éliminée, mais les personnes et les services dont les Canadien·nes dépendent, souvent sans s’en rendre compte.

Réduire la taille des effectifs de la fonction publique ne créera pas magiquement des efficacités opérationnelles, tout comme remplacer le système de paye Phénix par un autre logiciel n’a pas résolu magiquement l’incapacité du gouvernement à payer ses employé·es correctement ou à temps.

Les professionnel·les de la fonction publique savent où se situent les problèmes, mauvaise planification, systèmes désuets, sous-traitance coûteuse et niveaux de gestion qui empêchent de faire quoi que ce soit. Ils et elles sont prêts à faire partie de la solution. 

2. L’intelligence artificielle, une « solution miracle » aux conséquences à long terme

Tout le monde veut que le gouvernement innove. Néanmoins, lorsque « l’efficacité propulsée par l’IA » devient un code pour remplacer les personnes au lieu d’améliorer les services et les emplois, les Canadien·nes sont perdants : systèmes défaillants, argent gaspillé et préjudice au public.

L’automatisation des décisions relatives aux prestations, aux inspections ou à la conformité sans un contrôle adéquat risque d’entraîner des erreurs et des inégalités. L’IA responsable signifie des systèmes d’IA publics, transparents et guidés par des professionnel·les, et non des outils privatisés développés par des fournisseurs multinationaux sans obligation de rendre des comptes.

Si le gouvernement veut mettre la technologie au service des Canadien·nes, il doit investir dans la capacité publique à concevoir, à vérifier et à gérer ces outils. Il ne peut pas utiliser l’IA comme une « solution miracle » pour justifier des compressions qui nuisent à la qualité de la fonction publique dont les Canadien·nes dépendent.

3. Une augmentation de la sous-traitance coûteuse

Alors que le gouvernement parle d’efficacité et de discipline, il est devenu excessivement dépendant de la sous-traitance inutile et gaspilleuse. La sous-traitance des services professionnels devrait atteindre un montant record de 26 G$ pour l’exercice en cours, soit le chiffre le plus élevé jamais enregistré. C’est de l’argent qui va à des sous-traitant·es privés au lieu de renforcer les capacités internes dont les Canadien·nes ont réellement besoin.

Cette croissance incontrôlée a un coût élevé, exposant les contribuables à des budgets démesurés et à une responsabilité minimale. Le directeur parlementaire du budget a montré que les sous-traitant·es coûtent de 22 % à 25,7 % de plus que les professionnel·les équivalents à l’interne. Cette pratique est inacceptable pour un gouvernement qui tente de trouver des économies et de réduire l’inefficacité tout en supprimant des emplois à temps plein dans la fonction publique. Si le gouvernement fédéral veut réaliser de véritables économies, il doit commencer par réduire l’appel à la sous-traitance.

4. La négligence de la science et des preuves

Qu’il s’agisse de surveiller les incendies de forêt ou de vérifier la qualité de l’eau, les scientifiques de la fonction publique jouent un rôle essentiel dans la sécurité de la population. Mais après des années de sous-investissement, de nombreux ministères sont déjà à bout de souffle.

Toute nouvelle réduction pourrait compromettre l’état de préparation du Canada en matière d’urgence sanitaire, de surveillance de l’environnement et de salubrité des aliments. Des problèmes persistants, tels que l’ingérence politique, l’insuffisance des effectifs et les obstacles à une communication ouverte, ne sont toujours pas résolus dans de nombreux ministères.

La protection de la science passe par un financement stable, des laboratoires modernes et la liberté de diffuser les résultats de la recherche, et non par une nouvelle série de restrictions ou de silences.

Pour en savoir plus, consultez notre dernier rapport sur l’état de la science au fédéral décrivant pourquoi il est essentiel de renouveler les investissements pour assurer la résilience du Canada.

5. La vue d’ensemble est oubliée

Comme l’indique l’économiste Jim Stanford du Centre for Future Work, il ne s’agit pas d’un « budget fédéral ordinaire ». Le moment est venu de défendre ce qui fait la force et l’indépendance du Canada, et non de le démanteler.

Les fonctionnaires constituent la première ligne de défense du Canada contre les risques : ils et elles traquent les incendies de forêt, veillent à la sécurité des aliments et des médicaments, protègent nos systèmes numériques et assurent la stabilité de l’économie en cas de crise. Investir en leur faveur, c’est investir dans un Canada plus sûr et plus autonome.

Ce dont les Canadien·nes ont réellement besoin

  • Renforcer la fonction publique sans compressions importantes
  • Réduire la sous-traitance inutile et reconstruire l’expertise à l’interne
  • Adopter l’IA de manière responsable
  • Réinvestir dans la prise de décision fondée sur des données probantes et dans l’intégrité scientifique
  • Se concentrer sur la résolution de problèmes à long terme, et non sur des solutions à court terme

Les fonctionnaires font partie de la solution : ils savent où des améliorations peuvent être apportées. Ce dont ils et elles ont besoin, c’est d’un soutien pour faire leur travail, et non de slogans sur la nécessité de faire « plus avec moins ».

Les compressions ne renforceront pas la résilience. C’est l’investissement dans la fonction publique qui la renforcera.