L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Équité de genre dans le travail sur le terrain : Guide à l’intention des employé·es et des gestionnaires

Le travail sur le terrain est un aspect important du travail pour de nombreux chercheur·ses. Cependant, les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Parfois, c’est la météo, parfois l’équipement ne fonctionne pas comme prévu, ou le plan qui semblait prometteur en théorie ne fonctionne pas en pratique.

Outre les difficultés inhérentes au travail sur le terrain, les femmes et les minorités de genre sont confrontées à d’autres défis liés au genre. Des études ont montré que les difficultés rencontrées par les femmes dans le cadre du travail sur le terrain comportent de multiples facettes : perception négative de leurs capacités, manque de modèles féminins actifs sur le terrain, exclusion des voyages, responsabilités de proche aidant et manque d’installations sur le terrain. Le risque de violence sexuelle est également plus élevé pour les chercheuses qui effectuent un travail sur le terrain. Dans les environnements de travail sur le terrain, comme les bateaux ou les campements, les frontières sociales typiques du bureau ou du laboratoire changent. L’espace personnel diminue et les chercheur·ses peuvent être amenés à dormir dans des espaces restreints, ce qui peut les exposer à des situations de vulnérabilité.

Souvent, les chercheur·ses ne savent pas vraiment comment aborder ces questions, ce qui est particulièrement vrai pour les jeunes ou nouveaux chercheur·ses. C’est pourquoi l’initiative Les femmes en sciences de l’IPFPC a créé ce guide à l’intention des chercheur·ses et de leurs gestionnaires. Grâce au partage d’expériences, les pairs des communautés de recherche peuvent apprendre les pratiques exemplaires pour assurer la santé, la sécurité et le confort de tout le monde pendant le travail sur le terrain. Les superviseur·es et les gestionnaires peuvent utiliser ce guide pour s’informer sur le type de soutien qu’ils/elles doivent apporter à leurs employé·es sur le terrain.

À propos de l’initiative Les femmes en sciences de l’IPFPC

L’initiative Les femmes en sciences de l’IPFPC est un programme axé sur la promotion de l’équité intersectionnelle entre les genres dans le secteur public de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM). Nous soutenons différentes activités et initiatives qui offrent des opportunités de leadership aux femmes et aux membres non binaires dans les domaines des STIM et de la recherche, tout en plaidant pour des changements de politique.

Défis liés au genre dans le travail sur le terrain

De nombreuses études menées dans le monde entier[1] ont montré que les femmes et les minorités de genre sont confrontées à une myriade de défis et d’obstacles lorsqu’elles effectuent un travail sur le terrain. Nombre de ces défis ne sont pas propres à une station de recherche particulière ou à une branche spécifique de la science, mais résultent plutôt des inégalités systématiques entre les genres qui existent dans les différentes disciplines fondées sur la recherche dans le monde entier. 

En 2016, des chercheur·ses australiens ont mené un sondage international auprès de 314 scientifiques[2] sur leur expérience de l’égalité des genres dans les sciences côtières. Leurs conclusions ont révélé que les femmes scientifiques étaient confrontées à plusieurs obstacles pour participer au travail sur le terrain. Il s’agit notamment des difficultés à se rendre sur le terrain en raison d’invitations sélectives, du manque d’installations pour les femmes sur les sites sur le terrain et à bord des bateaux scientifiques, et de la sous-représentation dans les environnements de terrain. Les femmes scientifiques devaient également s’adapter à la reconfiguration des frontières sociales, et à des environnements de travail et des conditions de sommeil qui les exposaient à des situations de vulnérabilité, de discrimination et de harcèlement sexuel. Les gestionnaires et les superviseur·es ne sont souvent pas conscients de ces difficultés, ou ne disposent pas des connaissances et des compétences nécessaires pour apporter leur soutien. Les chercheuses elles-mêmes peuvent se sentir mal à l’aise de partager leurs expériences avec leurs superviseur·es par honte, stigmatisation ou peur d’être exclues de l’équipe.

Un sondage mené en 2013 par le département d’archéologie de l’université de l’Illinois, aux États-Unis, a révélé que 26 % des femmes scientifiques sont victimes de harcèlement sexuel lors de leurs recherches sur le terrain[3] .

En août 2022, la National Science Foundation, l’organisme fédéral qui supervise le U.S. Antarctic Program, a publié un rapport[4] mettant en lumière la culture omniprésente du harcèlement et des agressions sexuelles dans ses stations de recherche. Selon ce rapport, 59 % des femmes ont été victimes de harcèlement ou d’agression, et 72 % reconnaissent que l’agression et le harcèlement sexuels sont un problème en Antarctique.

Nous trouvons des preuves similaires en Inde[5] , en Afrique du Sud[6] et en Chine[7] , qui suggèrent que les problèmes de sécurité et d’hygiène pour les femmes effectuant un travail sur le terrain existent à travers les cultures et les contextes nationaux.

Cependant, malgré l’omniprésence des obstacles liés au genre dans le travail sur le terrain, la question a été largement négligée dans les communautés de recherche canadiennes. La plupart des organisations ne disposent pas de politiques ou de lignes directrices claires pour garantir la santé et la sécurité des chercheuses sur le terrain. Par conséquent, les chercheuses sont souvent livrées à elles-mêmes lorsque des problèmes surviennent, s’appuyant sur leurs expériences passées ou sur les conseils d’ami·es et de collègues, avec peu ou pas de soutien de la part de leur employeur.

Sondage Les femmes en sciences de l’IPFPC

À l’automne 2024, l’initiative Les femmes en sciences de l’IPFPC, sur recommandation du groupe Women+ in the Workplace, a mené un sondage auprès de 91 femmes et chercheur·ses non binaires de la fonction publique ayant effectué un travail de terrain dans le cadre de leur emploi. Notre objectif premier était de comprendre les expériences des chercheuses en matière de travail sur le terrain et les obstacles liés au genre auxquels elles étaient confrontées. La plupart des répondantes étaient des biologistes (49 %), des chercheuses scientifiques (23 %) et des physiciennes (20 %).

Principaux défis et obstacles au travail sur le terrain

1. Manque d’installations sanitaires et défis liés à l’hygiène menstruelle
(Avertissement sur le contenu : La section suivante contient une référence à la perte de grossesse)

Le manque d’accès aux toilettes est le principal problème identifié par les personnes interrogées. Lorsque les scientifiques mènent des recherches dans des endroits isolés, il n’y a souvent pas de toilettes disponibles et aucune autre disposition n’est prise pour la gestion de l’hygiène et de l’assainissement. Les répondantes ont indiqué que les chercheuses n’ont parfois d’autre choix que de se soulager dans un seau ou de se retenir pendant plusieurs heures. Certaines participantes ont indiqué qu’elles ne buvaient pas d’eau toute la journée et qu’elles risquaient la déshydratation pour ne pas avoir à uriner.

Lorsqu’ils sont à bord de petits bateaux dépourvus de toilettes, les chercheurs masculins doivent uriner sur le côté du bateau, parfois en présence de leurs collègues féminines, ce qui est inconfortable et humiliant pour tout le monde. Même sur les grands navires où des toilettes sont disponibles, des problèmes liés à l’intimité et à la propreté se posent.

« Parfois, il y a deux toilettes disponibles, dont l’une se trouve dans le vestiaire de l’équipage et est presque exclusivement utilisée par les hommes. Ces toilettes ne sont souvent pas propres et, en tant que femme scientifique, je ne me sens pas toujours à l’aise de les utiliser, ce qui est un problème, car les seules autres toilettes disponibles peuvent se trouver à plusieurs ponts de distance. »

Certaines répondantes ont indiqué que la conception de l’équipement de terrain rendait également le fait d’aller aux toilettes plus difficiles pour les femmes, car l’équipement est généralement conçu pour un corps d’homme. Parfois, les chercheuses ont besoin d’aide pour ouvrir leur équipement afin de pouvoir aller aux toilettes, ce qui peut être difficile lorsqu’elles sont la seule femme de l’équipe.

L’absence de toilettes et d’eau courante est particulièrement difficile pour les chercheuses lorsqu’elles ont leurs règles. Le manque d’intimité pour se changer, les difficultés à gérer la douleur et le manque d’options pour l’élimination correcte des produits menstruels sont difficiles. De nombreuses répondantes ont indiqué qu’elles étaient souvent la seule femme de leur équipe, ce qui rend la gestion de leurs menstruations encore plus difficile. Une répondante a déclaré qu’étant la seule personne de son équipe à avoir ses règles, elle devait souvent manquer des excursions de plongée à cause de ses menstruations.

Le récit le plus effrayant est celui d’une participante qui était enceinte et avait fait une fausse couche alors qu’il n’y avait pas de toilettes à disposition. 

« J’ai fait du travail de terrain qui impliquait du camping pendant ma grossesse. J’ai fait une fausse couche alors que j’étais sur le terrain. J’ai dû relever le défi de faire disposer du tissu de manière discrète. »

Le manque d’hygiène et de salubrité sur le terrain peut parfois compromettre la sécurité physique globale des chercheuses et de leur équipe. Une répondante a fait part de son expérience :

« Mes collaboratrices/étudiantes et moi-même ressentons souvent le besoin de trouver un endroit plus isolé pour nous soulager sur le terrain, ce qui nous expose à un plus grand risque de blessure, comme se tordre une cheville sur un sol inégal, s’égratigner ou se couper avec des branches en s’enfonçant dans les bois, ou encore risquer de rencontrer un animal dangereux. »

Une autre répondante a déclaré qu’il était difficile de garder les produits menstruels usagés à l’abri des ours lorsqu’on campe.

2. Discrimination de genre 

Des études menées dans différents pays ont montré que les scientifiques qui sont des femmes, des personnes non binaires ou des personnes au genre non conforme, sont souvent confrontées à des doutes quant à leur capacité à effectuer leur travail. Les participantes à notre sondage ont fait écho à cette affirmation, nombre d’entre elles déclarant qu’elles sont souvent obligées de faire des efforts supplémentaires pour prouver qu’elles sont capables.

La recherche sur le terrain implique souvent un travail physique difficile ou l’utilisation de machines lourdes. Les chercheur·ses qui ne sont pas des hommes cisgenres sont souvent considérés comme incapables d’effectuer un tel travail et sont exclus par leur équipe. De nombreuses participantes ont raconté que leurs responsables et collègues masculins doutaient de leurs capacités physiques. L’une des répondantes a raconté que des hommes s’étaient avancés devant elle et l’avaient littéralement écartée lors de la manipulation d’équipements lourds. Une autre chercheuse s’est vu dire qu’elle ne serait pas douée pour diriger le bateau et qu’elle devrait laisser ses collègues masculins s’en charger. Une répondante a raconté qu’on lui avait dit qu’elle n’était pas assez forte pour porter un collègue en cas d’urgence, et qu’elle n’avait donc pas été autorisée à partir en voyage, même si elle était en meilleure forme physique et plus entraînée que son collègue.

Les participantes ont indiqué que leurs collègues et leurs responsables imposaient parfois aux femmes et chercheur·ses non binaires des attentes et des rôles normatifs en matière de genre. Une chercheuse a raconté que son directeur l’appelait sa « femme de travail » et attendait d’elle qu’elle veille à ce que tout son matériel soit emballé. Elle était également toujours chargée de tâches de nettoyage, tandis que ses collègues masculins se voyaient confier des tâches plus « masculines », telles que la démobilisation du navire. Une autre répondante a déclaré que son superviseur perpétuait l’idée que les femmes ne devraient pas avoir besoin de comprendre comment utiliser des outils ou changer des pneus puisqu’il y avait toujours des hommes pour les aider.

De nombreuses répondantes ont indiqué qu’elles faisaient souvent l’objet de commentaires déplacés, dévalorisants et misogynes de la part d’hommes de leur équipe ou de membres du public. Une répondante a déclaré avoir reçu des commentaires tels que : « Qu’est-ce qu’une petite fille comme toi fait au volant d’un gros camion comme celui-là ? ».

Les chercheuses ont indiqué qu’elles ne sont souvent pas respectées ou prises au sérieux par les personnes avec lesquelles elles travaillent, et que leur leadership est remis en question. Plusieurs femmes occupant des postes supérieurs ont répondu que les techniciens et les membres de l’équipage leur adressaient souvent des commentaires dévalorisants devant leur équipe et supposaient qu’elles avaient moins de connaissances que les hommes qu’elles supervisaient. Une répondante a déclaré que les gens supposent souvent qu’elle est étudiante, alors qu’on suppose qu’un collègue masculin du même âge est un employé ou un superviseur.

Une autre répondante a fait part de son expérience :

« Les gens s’adressent à mes collègues masculins avant de s’adresser à moi. Ils me coupent la parole ou m’interrompent lorsque je parle. J’ai l’impression de devoir m’affirmer plus que je ne me sens à l’aise de le faire parce que je ne suis pas respectée comme le serait un collègue masculin. »

Certaines répondantes ont également déclaré se sentir exclues du « club des garçons » et ne pas faire partie de la camaraderie que leurs collègues masculins cisgenres partagent entre eux.

3. Manque de sécurité et d’intimité

La recherche a montré que les frontières sociales qui existent sur le lieu de travail sont souvent reconfigurées sur le terrain, ce qui peut exposer les femmes et les minorités de genre à des situations inconfortables et dangereuses. Le manque de sécurité et d’intimité a été identifié comme l’un des principaux défis du travail sur le terrain par les personnes interrogées. De nombreuses répondantes ont déclaré que le fait de ne pas disposer d’un espace privé pour se changer ou utiliser les toilettes les faisait se sentir en danger.

Les chercheuses ont également donné différents témoignages sur le harcèlement sexuel dont elles ont été victimes de la part de leurs collègues masculins ou d’autres hommes qu’elles ont rencontrés sur le terrain. Une répondante a raconté qu’elle avait dû rester dans une maison d’équipage isolée avec quelqu’un qui essayait de la séduire, la mettait mal à l’aise et entrait même dans sa chambre pendant qu’elle dormait.

De nombreuses répondantes ont déclaré qu’on leur avait demandé, ou imposé, de partager des chambres avec leurs collègues masculins, ce qui les mettait mal à l’aise. Dans certains cas, les chercheuses se sont vu attribuer des chambres avec un collègue masculin sans avoir été consultées :

« Il m’est arrivé une fois de devoir partager une chambre avec un collègue masculin sans qu’on me demande mon avis, bien que nous étions sur des quarts de travail opposés. Il n’était pas possible d’avoir des chambres séparées puisqu’il s’agissait d’un navire. On ne m’a pas demandé mon avis sur cette affectation, et le programme a été distribué à l’ensemble du personnel, et c’est la première fois que j’en ai entendu parler. »

Une autre répondante a fait part de son expérience :

« J’ai fait du travail de terrain qui impliquait de camper avec des membres de l’équipe de terrain qui avaient des antécédents criminels liés à la violence sexuelle. »

De nombreuses participantes ont indiqué qu’elles ne se sentaient pas toujours en sécurité avec leurs collègues masculins. Une chercheuse a déclaré qu’elle ne se sentait pas en sécurité lorsque ses collègues buvaient beaucoup le soir sur le terrain.

Les contraintes budgétaires semblent également avoir un impact direct sur la sécurité sur le terrain. De nombreuses répondantes ont indiqué qu’elles étaient obligées de travailler seules sur le terrain ou de rester dans des logements peu sûrs en raison de limites budgétaires, ce qui pourrait rendre le travail sur le terrain particulièrement dangereux pour les femmes et les minorités de genre. Une répondante a même raconté avoir été placée dans un logement aux fenêtres cassées en raison de restrictions budgétaires.

Une responsable d’équipe a expliqué qu’elle s’inquiétait de sa sécurité et de celle de ses étudiantes et des membres féminins, non binaires et au genre non conforme de son personnel, lors d’interactions avec des membres du public, en privé ou dans des conditions d’isolement.

4. Défis liés à la grossesse et à la garde d’enfants

Plusieurs participantes ont souligné que la gestion de la grossesse ou de la garde d’enfants constituait un défi important dans le cadre du travail sur le terrain. De nombreuses chercheuses ont indiqué qu’il leur était difficile de prendre des dispositions pour les responsabilités liées aux soins et les responsabilités ménagères lorsqu’elles étaient en déplacement professionnel. Elles doivent souvent s’absenter de leur travail pour s’occuper de leurs enfants.

« En tant que principale personne responsable de mes enfants, les longues journées de travail sur le terrain ou les nuits prolongées sont un défi pour moi. Je dois souvent dire non à mon travail ou raccourcir ma journée pour pouvoir être de retour à temps. »

Certaines participantes ont indiqué que lorsqu’une femme devient mère, son gestionnaire ou ses collègues de travail font souvent des suppositions sur sa disponibilité ou son intérêt pour le travail sur le terrain. Ces suppositions sont rarement faites pour les nouveaux pères.

Une chercheuse a raconté qu’elle avait été exclue d’un voyage par l’exploitant du navire uniquement parce qu’elle était enceinte, alors qu’elle avait l’accord de son médecin et de son gestionnaire.

« Je n’avais pas demandé d’accommodements particuliers et j’avais une attestation de mon médecin qui soutenait mon travail sur le navire. »

Elle a ajouté que sa demande de retarder d’un an son programme de travail sur le terrain en raison d’un congé de maternité avait été rejetée par son/sa responsable. Le/la gestionnaire a déclaré que le programme devrait être annulé si elle n’était pas en mesure d’effectuer le travail sur le terrain.

Une participante a raconté les difficultés rencontrées pour travailler sur le terrain tout en allaitant :

« J’ai travaillé sur le terrain en tant que mère allaitante. Après une journée passée sur le terrain, j’avais hâte d’arriver à notre logement pour tirer mon lait. Il était difficile de passer une journée entière sans avoir accès à mon tire-lait, mais il aurait également été difficile d’apporter mon matériel sur le terrain, à la fois en termes de transport du matériel, d’accès à l’électricité pour le faire fonctionner, et d’intimité pour tirer mon lait. »

Pratiques exemplaires

1. Plus de femmes dans l’équipe

Les réponses au sondage ont indiqué que la présence de plusieurs femmes dans l’équipe était utile pour relever les défis liés à l’hygiène, à l’intimité et à la sécurité sur le terrain. Certaines chercheuses ont indiqué qu’elles essayaient de prendre avec elles une équipe exclusivement féminine. D’autres ont indiqué qu’elles se sentaient plus en sécurité lorsqu’il y avait plus de femmes dans leur équipe. Une répondante a déclaré qu’il était également bénéfique d’avoir des personnes d’orientations sexuelles différentes dans son équipe. Certaines répondantes ont déclaré que le fait d’avoir une autre femme dans leur équipe signifiait que leur sécurité était plus susceptible d’être prioritaire, comme le fait de rentrer à temps dans leur logement. 

2. Soutien des collègues

Le soutien des collègues a été identifié comme un facteur important pour une expérience de travail sur le terrain positive. La grande majorité des répondantes ont déclaré que ce sont les conseils de leurs collègues qui les ont aidées à relever les défis liés au genre lors du travail sur le terrain. Les répondantes ont déclaré que le fait de parler à d’autres collègues féminines leur permettait de se sentir soutenues et comprises. Les résultats du sondage indiquent également que les femmes et les chercheur·ses non binaires ont l’habitude de partager leurs connaissances et leurs conseils par le biais du bouche-à-oreille, sur des problèmes liés à la sécurité et à l’hygiène.

Certaines répondantes ont également parlé de l’importance du mentorat.

« La présence d’une mentore de confiance, pour répondre aux questions et donner l’exemple, fait une grande différence. »

« J’ai eu des mentores fortes : d’anciennes superviseures, des responsables de travaux sur le terrain et d’autres collègues féminines qui m’ont précédée. Elles m’ont “élevée” en tant que biologiste et m’ont appris à m’affirmer. »

Quelques répondantes ont également indiqué qu’il était utile d’avoir des alliés et des défenseurs masculins.

3. Soutien de la direction

Les répondantes ont indiqué que le soutien de leur direction a été crucial pour relever les défis sur le terrain. Le fait d’avoir un·e responsable qui les soutient et les comprend peut aider les chercheuses à se sentir respectées et entendues.

« Le soutien du gestionnaire a été très important lorsqu’il s’agissait de régler des problèmes de caractère ou de personnalité. Il est plus difficile de s’exprimer ou d’être écoutée lorsqu’on occupe un poste subalterne. Le fait qu’une personne en position d’autorité prenne votre défense fait une énorme différence. »

« Mon responsable actuel est vraiment excellent et a toujours réagi de manière appropriée lorsque je lui ai fait part de mes préoccupations ou signalé des incidents. »

4. Communication ouverte

Favoriser une culture de communication ouverte peut s’avérer bénéfique pour relever les défis qui se présentent sur le terrain. Plusieurs répondantes ont déclaré que le fait d’exprimer leurs préoccupations et de préciser leurs limites les aidait dans les situations difficiles. Certaines chercheuses ont également déclaré que le fait d’attirer l’attention sur un comportement inapproprié leur avait permis d’obtenir de bons résultats.

« Se moquer ouvertement de mon patron a très bien fonctionné pour notre équipe de terrain. Je tenais le compte de ses transgressions liées au genre haut et fort et je faisais semblant de conserver ces événements comme une monnaie d’échange que je pouvais utiliser contre de futures réprimandes potentielles. 

« Se confier à un responsable masculin qui, honnêtement, ne se rendait pas compte que ces défis existaient pour les femmes ou, dans certains cas, commettait des microagressions, perpétuait des stéréotypes ou sapait l’expérience des gens en fonction de leur genre. »

« Le fait d’être très claire sur ce que je considère comme admissible dans les situations que je contrôle a été utile. Par exemple, si je dois partager une tente avec un collègue masculin parce que nous sommes bloqués et que l’hélicoptère ne peut pas voler, ce n’est pas grave. Mais je ne planifierai pas pour cela. »

« Les défis liés à l’hygiène et aux rôles des genres dans un camp de terrain ont été gérés et résolus grâce à des conversations avec les collègues et le responsable du camp. »

5. Planification avancée

Les répondantes ont indiqué que la planification avancée et la préparation aux situations difficiles ont été utiles à leurs équipes. Cela est particulièrement vrai pour les défis liés à l’hygiène. Certaines équipes partent avec des fournitures telles que des lingettes humides, des médicaments contre la douleur pour les crampes, et des serviettes hygiéniques ou des tampons pour une élimination simple. D’autres ont équipé leur site de « toilettes portatives », un seau avec un siège de toilette, installé sous une tente d’intimité. Une répondante a indiqué que son équipe avait développé des stratégies pour aller aux toilettes, comme l’utilisation d’urinoirs pour femmes tels que Pee Pal.

Une chef d’équipe a indiqué qu’avant de partir sur le terrain, elle discutait avec les nouvelles membres du personnel et étudiantes d’été de la manière de gérer les menstruations. Une autre a déclaré qu’elle veillait à ce que leur trousse de secours contienne des tampons et des serviettes hygiéniques supplémentaires à utiliser en cas de besoin.

Une planification avancée aide également les équipes à établir des règles de base. Quelques répondantes ont indiqué que leur équipe avait pour règle de ne jamais remettre en question les arrêts pour aller aux toilettes et que les personnes étaient autorisées à faire autant de pauses qu’elles le souhaitaient. 

Certaines répondantes ont déclaré que le fait de planifier les aidait à se préparer à divers scénarios, notamment à faire face à des situations dangereuses ou à des lieux de travail à prédominance masculine.

Connaître ses droits

De nombreuses conventions collectives contiennent des dispositions qui protègent les droits des travailleur·ses lorsqu’ils/elles effectuent un travail sur le terrain. Nous en présentons quelques-unes ci-dessous. Les informations suivantes sont basées sur les conventions collectives des groupes Recherche (RE) et Sciences appliquées et examen des brevets (SP). Toutefois, nous vous conseillons de vérifier la convention collective de votre groupe pour connaître les dispositions spécifiques qui vous sont applicables.

  1. There can be no discrimination, interference, restriction, coercion, harassment, intimidation, or any disciplinary action exercised or practised against an employee because of their sex, sexual orientation, gender identity or expression, or family status. This applies to all work contexts, including fieldwork.
  2. Your employer must make reasonable provisions for the occupational safety and health of all employees. This includes researchers carrying out fieldwork. The employer is responsible for preventing the risk of employment injury or occupational illness, and this includes injury or illness that might occur in the field.
  3. If you are an employee who does fieldwork as part of your job, you might be eligible for a field or sea research allowance. Please check your group’s collective agreement to see what allowance you are entitled to,
  4. An employee who is carrying out fieldwork might be eligible to receive compensation for authorized overtime performed on a designated paid holiday or a day of rest. 
  5. When your employer requires you to travel outside your headquarters area to perform work, you might be eligible to receive compensation. Please check your collective agreement to ensure you are being accurately compensated for fieldwork-related travel expenses.
  6. If you are an employee whose job duties require you to dive, you might be entitled to a diving allowance as outlined in your collective agreement. 
  7. If you are required to work in experimental aircraft whilst in flight, you might be entitled to a certain amount of flying allowance per month. Please consult your collective agreement to understand the full details of the provision. An experimental aircraft is defined as an aircraft for which the Ministry of Transport has issued a flight permit valid for the purpose of experimental research.
  8. Your employer might be required to provide you with immunization against communicable diseases, if there is a risk of incurring such diseases at your research site.

Accéder au pouvoir collectif de son syndicat 

Connaître votre convention collective et les dispositions relatives au travail sur le terrain est une première étape pour vous assurer que les gestionnaires assument leur responsabilité de fournir un lieu de travail sûr et sans harcèlement, que ce soit au bureau, au laboratoire ou sur le terrain. Mais la force d’une convention collective dépend de sa mise en œuvre et, en cas de problème, l’application de la convention devient primordiale. 

D’un point de vue pratique, cela signifie que vous devez commencer par faire part de vos préoccupations à votre équipe de consultation locale ou celle de votre ministère. Les équipes de consultation se réunissent régulièrement pour soulever de manière proactive les problèmes en milieu de travail et travailler conjointement à la recherche de solutions. Les problèmes sur le terrain sont des problèmes en milieu de travail et doivent être soumis aux comités de consultation syndicale-patronale dans un premier temps.

Même avec le meilleur libellé possible dans votre convention collective et une consultation productive, vous pouvez toujours vous retrouver dans une situation où vos droits ne sont pas respectés. Si la consultation a échoué, l’application de votre convention collective se résume au dépôt de griefs. Si vous avez besoin d’aide pour comprendre ce processus, veuillez contacter un·e délégué·e syndical·e de votre ministère. Si vous n’avez pas de délégué·e syndical·e de votre groupe dans votre ministère, votre délégué·e syndical·e local·e peut également vous aider tout au long de la procédure et travailler avec l’exécutif de votre groupe pour faire part de vos préoccupations. 

Le pouvoir collectif de votre syndicat peut également être mis à profit en négociant l’amélioration du libellé de votre convention collective. L’équipe de négociation de votre groupe est chargée de consulter les membres pour identifier les lacunes dans le libellé de l’entente et négocier les améliorations nécessaires. Pour que les équipes de négociation parviennent à négocier un meilleur libellé avec l’employeur, elles doivent fournir des preuves de l’existence même du problème qu’elles tentent de résoudre, tout en établissant que la convention collective est la voie la plus appropriée pour résoudre ce problème. À la table des négociations, la meilleure preuve se présente sous la forme de problèmes non résolus consignés dans les procès-verbaux des comités de consultation syndicale-patronale et d’un arriéré de griefs. Si nous voulons un meilleur libellé dans nos conventions collectives, nous devons démontrer à l’employeur qu’un meilleur libellé est au moins une partie de la solution.

Plaider pour plus

Pour de nombreux chercheur·ses, le travail sur le terrain est une composante essentielle de leur travail. Pourtant, ce type de travail continue de poser des problèmes aux chercheuses qui sont des femmes et aux chercheur·ses issus de minorités, qui n’ont souvent d’autre choix que de souffrir en silence.

Exclure ou décourager les femmes du travail sur le terrain ne peut pas être la solution à ces défis. Au contraire, les efforts de l’employeur doivent se concentrer sur l’élimination des obstacles, et sur la sécurisation et l’accessibilité du travail sur le terrain pour tout le monde. Et cela implique de changer la culture répandue de la misogynie et des hiérarchies liées au genre sur le lieu de travail.

À cette fin, l’IPFPC recommande les actions suivantes :

  1. Offrir aux travailleur·ses une plateforme sécuritaire pour exprimer leurs préoccupations :

L’employeur doit fournir des environnements sûrs et inclusifs, où les chercheur·ses se sentent à l’aise pour exprimer leurs préoccupations à leurs pairs et à leurs gestionnaires, sans craindre d’être exclus ou retirés d’un projet.

  1. Allouer des ressources et des efforts à l’éducation et à la formation :

Notre sondage a montré que les gestionnaires manquent souvent de connaissances sur la manière d’aider efficacement leurs employé·es à relever les défis liés au travail sur le terrain. Il est donc important que l’employeur alloue des ressources à l’éducation et à la formation sur les défis liés au genre dans le travail sur le terrain et sur la manière de les relever efficacement. Ces efforts devraient s’appuyer sur les expériences vécues par les femmes et les chercheur·ses issus de minorités.

  1. Avoir des équipes de recherche équilibrées sur le plan du genre :

Il ressort clairement de notre sondage que les femmes et les minorités de genre se sentent plus en sécurité lorsqu’elles travaillent dans des équipes où les femmes sont plus nombreuses. Les gestionnaires et les chefs d’équipe doivent donc veiller à ce que les équipes de recherche soient équilibrées sur le plan du genre. Dans le même temps, l’employeur doit s’efforcer d’améliorer les pratiques d’embauche et de maintien en poste en s’attaquant au problème sous-jacent de la prédominance masculine dans certaines communautés de recherche du secteur public.

  1. Établir un code de conduite clair :

L’employeur doit élaborer et mettre en œuvre un code de conduite clair décrivant les comportements attendus dans le cadre du travail sur le terrain. De solides mécanismes de responsabilisation doivent être mis en place pour garantir le respect du code de conduite.

  1. Incorporer dans les conventions collectives un libellé spécifique au travail sur le terrain :

Les employé·es ont droit à un environnement de travail sûr et exempt de harcèlement, y compris dans le cadre du travail sur le terrain. Un libellé plus clair concernant la sécurité du travail sur le terrain doit être inscrit dans les conventions collectives. Cela doit se faire en consultation avec les groupes qui représentent les travailleur·ses qui effectuent des travaux sur le terrain dans le cadre de leur emploi.

Références

[1]

  1. Concejo, A.V. (2023. November 7). Fieldwork can be challenging for female scientists: 5 ways to make it better. The University of Sydney. https://www.sydney.edu.au/news-opinion/news/2023/11/07/fieldwork-can-be-challenging-female-scientists-five-ways-to-make-it-better.html

Parra, I. R. (2020, August 17). Women in the field: Tips, tricks, and thoughts about gender and field research. Medium. https://medium.com/@ingridcarolinaramnparra/women-in-the-field-tips-tricks-and-thoughts-about-gender-and-field-research-f137e84be1ce

Vaidyanathan, S.  (2023, February 10). Why Is Fieldwork Still A Roadblock For Women In Science?. Nature inFocus. https://www.natureinfocus.in/environment/why-is-fieldwork-still-a-roadblock-for-women-in-science

[2]

Hamylton, S. M., Power, H. E., Gallop, S. L., & Vila-Concejo, A. (2023). The challenges of fieldwork: Improving the experience for women in coastal sciences. Cambridge Prisms: Coastal Futures, 1, e38, pp. 1-4.

[3]

Clancy, K. B., Nelson, R. G., Rutherford, J. N., and Hinde, K. (2014). Survey of academic field experiences (SAFE): Trainees report harassment and assault. PloS one 9 (7), e102172. 

[4]

The U.S. National Science Foundation. (2022, June 22). Sexual Assault/Harassment Prevention and Response (SAHPR): Final Report. https://www.nsf.gov/geo/opp/documents/USAP%20SAHPR%20Report.pdf

[5]

Khatri, R. (2023, November 29). Breaking Grounds: A Woman’s Narrative Of Political Fieldwork In Rural India. Feminism in India. https://feminisminindia.com/2023/11/29/breaking-grounds-a-womans-narrative-of-political-fieldwork-in-rural-india/, https://www.techforwildlife.com/blog/2023/4/12/field-work-as-a-woman

[6]

Ramogwebo, T., Hlongwane, J. S., Bhanye, J., & Matamanda, A. (2024). Doing Fieldwork Among Hard-To-Reach Populations: An Account of Local Female Researchers Studying Foreign Migrants in Downtown Bloemfontein, South Africa. International Journal of Qualitative Methods 23, pp. 1-12. 

[7]

Schneider, M., Lord, E., and Wilczak, J. (2021). We, too: contending with the sexual politics of fieldwork in China. Gender, Place & Culture 28 (4), pp. 519–540.